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redoutables. L’un est le premier, dit-on, qui mit en déroute Annibal, invaincu jusqu’alors ; l’autre vainquit en bataille rangée les Lacédémoniens, qui dominaient sur terre et sur mer. Et tous deux prodiguèrent leur vie en s’exposant, sans aucun motif raisonnable, lorsque leur patrie avait le plus grand besoin de conserver de tels hommes et de tels généraux. Aussi ces traits de ressemblance nous ont-ils engagé à écrire, en regard l’une de l’autre, les Vies de ces deux hommes.

Pélopidas, fils d’Hippoclus, était d’une famille noble de Thèbes, comme Épaminondas. Élevé dans une grande opulence, héritier dès sa jeunesse d’une fortune brillante, il se livra au soulagement de ceux qui étaient dans le besoin, et qui méritaient ses bienfaits : il voulait montrer qu’il était le maître et non l’esclave de ses richesses. Parmi les hommes, dit Aristote, les uns ne font point usage de leurs trésors par avarice, les autres en abusent en menant une conduite désordonnée ; et ils sont toute leur vie esclaves, les uns de leurs plaisirs, les autres des affaires. Les amis de Pélopidas usèrent avec reconnaissance de sa bonté et de sa libéralité, à l’exception du seul Épaminondas, qu’il ne put décider à accepter une part de sa richesse. Lui-même, cependant, il s’associa à la pauvreté d’Épaminondas, par la simplicité de ses vêtements, la frugalité de sa table, son activité dans le travail, son scrupule à ne chercher les succès qu’à visage découvert. Il ressemblait au Capanée d’Euripide[1], qui était fort riche, mais auquel sa richesse n’inspirait point de fierté. Il eût rougi de donner au soin de son corps plus que ne faisait le plus pauvre des Thébains. Épaminondas, familiarisé avec la pauvreté, qui était pour lui héréditaire, se la rendit encore plus facile et plus légère par la philosophie, et parce que, dès sa jeunesse, il résolut de

  1. Suppliantes, vers 861.