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une députation qui venait de Laurente[1] à Rome, essayèrent de faire main-basse sur le butin des voyageurs. Ceux-ci résistèrent, et se mirent en état de défense ; mais ils furent massacrés. Romulus voulait que les auteurs de ce forfait atroce fussent livrés à l’instant au supplice ; mais Tatius rejetait ce parti, et cherchait à traîner l’affaire en longueur. C’est la seule occasion où on les ait vus en dissentiment déclaré : jusque-là ils s’étaient conduits avec la plus grande modération, et toujours ils avaient agi de concert. Les parents des victimes, désespérant d’obtenir justice, à cause de Tatius, se jetèrent sur lui, un jour qu’il faisait, avec Romulus, un sacrifice dans Lavinium[2], et ils le tuèrent. Pour Romulus, ils rendirent hommage à son équité, en le reconduisant avec des acclamations. Romulus emporta le corps de Tatius, lui fit des obsèques convenables à son rang, et l’ensevelit sur le mont Aventin, près du lieu appelé Armilustrium[3] ; mais il ne s’occupa nullement de venger sa mort. Quelques historiens racontent que les Laurentins effrayés lui livrèrent les meurtriers de Tatius, et qu’il les laissa aller, disant que le meurtre avait été payé par le meurtre. Cette conduite fit soupçonner et dire qu’il était bien aise d’être délivré d’un collègue. Toutefois il n’en résulta aucun trouble dans les affaires, et les Sabins n’en prirent pas occasion de se mutiner contre lui. Les uns, par amour pour sa personne, les autres, par crainte de sa puissance, d’autres enfin, parce qu’ils le regardaient comme un dieu, persévérèrent dans leurs sentiments de respect et d’admiration. Il y eut même plus d’un peuple étranger qui rendit à Romulus ce tribut d’honneur. Ainsi les anciens Latins députèrent vers lui, pour faire, avec les Romains, un traité d’alliance et d’amitié. Ce fut par surprise, selon quelques-uns, qu’il prit

  1. Ville du Latium, à seize kilomètres de Rome.
  2. Ou Lanuvium, autre ville du Latium, voisine de la précédente.
  3. Ainsi nommé parce qu’on y purifiait les troupes.