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réduire, si on ne se hâtait de le réprimer. Il marcha donc contre Romulus, à la tête d’une nombreuse armée ; et Romulus, de son côté, sortit à sa rencontre. Quand ils furent en présence, ils se mesurèrent l’un l’autre des yeux, et ils se défièrent à un combat singulier, pendant lequel les deux armées resteraient immobiles sous les armes. Romulus fit vœu, s’il remportait la victoire, de consacrer à Jupiter les armes d’Acron. Il le vainquit, le tua de sa main, mit son armée en déroute, et se rendit maître de sa ville. Il ne fit d’autre mal à ceux qu’il y trouva, que de les obliger de démolir leurs maisons, et de le suivre à Rome, pour y devenir citoyens et y partager tous les droits des autres habitants. Il n’y a rien qui ait plus contribué à l’agrandissement de Rome, que cette incorporation incessante des peuples vaincus.

Romulus, pour rendre son offrande encore plus agréable à Jupiter, et pour donner aux citoyens un spectacle intéressant, coupa un grand chêne, qui se trouvait dans le camp, le tailla en forme de trophée, y suspendit et ajusta les armes d’Acron, chacune dans son ordre ; puis il ceignit sa robe, il mit sur ses cheveux une couronne de laurier, il chargea le trophée sur son épaule droite, et il s’avança entonnant un chant de victoire, et suivi de tous ses soldats en armes. Il fut reçu à Rome avec de vifs témoignages de joie et d’admiration. Cette pompe fut l’origine et le modèle de tous les triomphes qui suivirent. On appela ce trophée l’offrande de Jupiter Férétrien, du mot ferire, qui signifie, chez les Romains, frapper[1] ; parce que Romulus avait demandé à Jupiter de frapper Acron, et de le tuer.

Varron dit que ces dépouilles sont appelées opimes, du mot latin ops, richesse ; mais il est plus probable que c’est du mot opus, action[2], car les dépouilles opimes ne

  1. Ou plutôt du mot ferre, fero, porter.
  2. L’étymologie proposée par Plutarque est fausse.