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croyaient qu’une fête consacrée à la naissance de leur ville devait être entièrement pure, et qu’il ne fallait pas la souiller de sang. Au reste, avant même la fondation de Rome, ils célébraient, en ce même jour, une fête champêtre, qu’ils appelaient Palilies[1]. Aujourd’hui, les néoménies[2] des Romains ne répondent nullement à celles des Grecs : on dit toutefois que la date précise du jour où Romulus fonda la ville concordait justement avec le 30 du mois des Grecs[3], et qu’il y eut, ce jour-là, une éclipse de soleil, la même, pense-t-on, qui fut observée par le poëte Antimachus de Téos[4], dans la troisième année de la sixième Olympiade.

Au temps du philosophe Varron[5], de tous les Romains le plus versé dans la connaissance de l’histoire, il y avait un certain Tarutius, son ami, philosophe et mathématicien, qui se mêlait d’horoscopes par curiosité, et qui passait pour y exceller. Varron lui proposa de déterminer le jour et l’heure de la naissance de Romulus, par des raisonnements déduits de ses actions connues, comme on fait pour la solution des problèmes de la géométrie. La même théorie qui, sur une naissance donnée, prédit quelle sera la vie d’un homme, devait aussi, disait-il, une vie étant connue, découvrir le moment de la naissance. Tarutius fit ce que Varron demandait. Après avoir attentivement considéré et les aventures de Romulus, et ses faits et gestes, et la durée de sa vie, et le genre de sa mort, et ce qui s’ensuit, le tout bien et dûment comparé, il prononça intrépidement, et sans nulle hésitation, que Romulus avait été conçu la première année de la deuxième Olympiade, le 23 du mois égyptien Chœac, à la troisième heure du jour, pendant une éclipse

  1. C’était la fête des bergers. Palès était la déesse des pâturages.
  2. C’est-à-dire les commencements de mois. Les Grecs suivaient le système lunaire.
  3. C’est le mois Élaphébolion, correspondant en partie au mois d’avril.
  4. Il était, suivant d’autres, de Claros ou de Colophon.
  5. Le contemporain et l’ami de Cicéron.