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effrayé, et ne sachant rien faire ni rien résoudre pour sa défense, fut saisi et mis à mort.

La plupart de ces faits, rapportés par Fabius, et par Dioclès de Péparèthe, le premier, je pense, qui ait écrit l’histoire de la fondation de Rome, sont, aux yeux de quelques-uns, suspects d’embellissements dramatiques et d’ornements fabuleux. Mais peut-on se refuser à y croire, quand on considère quels poëmes sait composer la Fortune, et lorsqu’on pense aux succès de Rome, qui ne serait jamais parvenue à un si haut degré de puissance, si elle n’eût eu une origine divine, et signalée par quelque chose de grand et de miraculeux ?

La mort d’Amulius avait rétabli le calme dans la ville. Romulus et Romus ne voulurent ni demeurer à Albe sans y régner, ni y régner du vivant de leur aïeul. Après avoir rendu l’autorité souveraine à Numitor, et à leur mère des honneurs convenables, ils résolurent d’aller habiter là où ils seraient chez eux, et, pour cela, de bâtir une ville dans le lieu même où ils avaient été nourris. Ils ne pouvaient donner un prétexte plus honnête ; mais peut-être était-ce pour eux un parti nécessaire. Comme ils n’avaient, sous leurs ordres, que des troupes de bannis et d’esclaves fugitifs, il leur fallait ou s’exposer à voir leur puissance détruite, par la dispersion de pareils soldats, ou s’en aller avec eux s’établir quelque part, car les Albains n’avaient voulu ni s’allier avec ces bannis et ces esclaves, ni les admettre au nombre des citoyens. Une première preuve de ce refus, c’est l’enlèvement des Sabines, œuvre non de passion brutale, mais de nécessité, ces hommes ne trouvant pas à contracter de mariages volontaires : en effet, ils eurent les plus grands égards pour les femmes qu’ils avaient enlevées. Une seconde preuve, c’est que, leur ville commençait à peine à prendre pied, qu’ils y bâtirent, pour les fugitifs, un lieu de refuge, qu’ils appelèrent le temple du dieu