Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/60

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nommait ruminal : soit, ainsi que le pensent la plupart, à cause de Romulus ; soit parce que les bêtes ruminantes allaient, au milieu du jour, se reposer sous son ombre ; ou plutôt parce que ces enfants y furent allaités. Car les anciens Latins appelaient la mamelle ruma ; et ils donnent le nom de Rumilia à une déesse qui préside, d’après leur opinion, à la nourriture des enfants : il n’entre point de vin dans ses sacrifices, et les libations s’y font avec du lait.

C’est là que les deux enfants, posés ainsi à terre, furent allaités par la louve, et qu’un pivert venait partager avec elle le soin de les nourrir et de les garder. Ces deux animaux passent pour être consacrés à Mars ; et les Latins honorent le pivert d’un culte particulier[1]. Aussi ne manqua-t-on point d’ajouter foi au témoignage de la mère, que les deux enfants étaient nés du dieu Mars. Quelques auteurs disent que c’était erreur chez elle : Amulius, qui lui avait ravi sa virginité, serait entré dans sa prison tout armé, pour lui faire violence. D’autres veulent aussi que le nom de la nourrice ait été, par l’effet d’une équivoque, l’occasion de cette fable. Les Latins appelaient louves et les femelles des loups et les femmes qui se prostituent : or, telle était la femme de ce Faustulus, qui avait élevé chez lui les enfants. Elle se nommait d’ailleurs Acca Larentia. Les Romains lui font encore des sacrifices : au mois d’avril, le prêtre de Mars fait, en son honneur, des libations funèbres ; et la fête se nomme Larentia[2].

Ils honorent encore une autre Larentia ; et voici à quel sujet.

Un jour, le gardien du temple d’Hercule imagina, sans doute dans un moment d’ennui où il ne savait que faire, de proposer au dieu une partie de dés, à condition

  1. Picus, un des anciens rois du Latium, que les Romains adoraient comme des dieux, passait pour avoir été changé en pivert.
  2. Ou plutôt Larentalia et Larentinalia.