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meilleures familles de Chéronée ; et elle se montra, par ses vertus, la digne épouse d’un homme excellent.

Plutarque vint à Rome plusieurs fois, et il y donna, sur divers sujets de philosophie, de littérature et d’érudition, des leçons publiques, qui furent la première origine et la première occasion des nombreux traités qui composent ce qu’on appelle les Morales. Tout ce qu’il y avait d’illustres personnages dans Rome assistait à ces leçons. Plutarque parlait en grec, comme faisaient d’ordinaire les rhéteurs et les sophistes venus de Grèce : c’était une langue qu’entendaient alors parfaitement les gens lettrés de Rome. D’ailleurs, Plutarque n’a jamais su le latin assez bien pour le parler. Il nous dit lui-même, dans la Vie de Démosthène, qu’il n’avait pas eu le temps, durant son séjour en Italie, de se livrer à une étude approfondie de cette langue, à cause des affaires publiques dont il était chargé, et de la quantité de gens qui venaient tous les jours s’entretenir avec lui de philosophie. Il ne commença à étudier fructueusement les auteurs latins qu’un peu tard, quand il se mit à écrire ses Vies comparées des hommes illustres de la Grèce et de Rome.

Mais il ne paraît pas que Plutarque ait fait de bien longs séjours hors de sa ville natale ; et il était assez jeune encore, quand il s’y fixa pour n’en plus sortir. Chéronée n’avait pourtant rien, par elle-même, qui méritât le grand amour que lui portait Plutarque. C’était une ville petite, sans aucune importance dans la Grèce, et dont le nom n’y rappelait même que de tristes souvenirs : c’est sous les murs de Chéronée, que la liberté avait subi son premier et décisif échec, et que Philippe avait fait accepter, les armes à la main, l’intervention, désormais toute-puissante, de la pensée macédonienne dans les affaires de la Grèce ; c’est à Chéronée aussi, que Sylla avait anéanti les dernières illusions des peuples grecs, et leur avait prouvé qu’on ne se soulevait pas impunément contre Rome. Mais Plutarque mit sa gloire et son patriotisme à empêcher, par sa présence, comme il le dit naïvement lui-même, que Chéronée ne s’amoindrît davantage, et à faire jouir ses concitoyens de l’es-