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tablement tout ce que le peuple est maître de donner ou d’ôter. Souvent bannis, souvent repoussés dans les candidatures, souvent condamnés à l’amende, ils ne s’irritaient pas contre les citoyens ingrats : le premier signe de repentir, la première invitation les ramenait, et leur faisait oublier ces injustices. Celui qui flatte le moins le peuple doit aussi le moins s’en venger ; car ce ressentiment si vif pour le refus d’une charge qu’on poursuit, provient d’un désir violent de l’obtenir. Alcibiade ne dissimulait pas qu’il aimait les honneurs, et qu’il ne savait point se résigner à un échec : il cherchait donc à se rendre agréable et cher à ceux avec qui il vivait. C’était l’orgueil qui empêchait Coriolan de faire sa cour à ceux qui lui pouvaient donner les honneurs et l’autorité ; et cependant il ne se voyait pas, sans un douloureux dépit, déçu dans ses prétentions ambitieuses. Ce sont là, il est vrai, les seuls défauts qu’on ait à reprendre en lui : dans tout le reste, sa vertu brille avec éclat ; et sa tempérance, son mépris des richesses, le rendent comparable à tout ce que la Grèce eut jamais de citoyens vertueux et désintéressés, je ne dis plus à Alcibiade, le plus éhonté certes des hommes vicieux, et le plus parfait contempteur de la bienséance et de l’honnêteté.