Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/566

Cette page a été validée par deux contributeurs.

femmes, et que, sans faire cesser l’inimitié entre les deux peuples, il avait perdu, en pleine guerre, et sacrifié un temps précieux. S’il avait eu vraiment égard à ses obligations envers les Volsques, il ne se serait retiré qu’après avoir fait approuver sa retraite à ceux qui lui avaient donné leur confiance. Que s’il était indifférent aux intérêts des Volsques, et s’il n’avait suscité cette guerre que pour satisfaire son ressentiment et s’arrêter ensuite, il ne devait pas épargner sa patrie à cause de sa mère, mais épargner sa mère en faveur de sa patrie ; car sa mère et sa femme n’étaient qu’une portion de cette patrie qu’il assiégeait. Rejeter inhumainement les supplications publiques, les prières des députés de la ville, les soumissions des prêtres, pour accorder ensuite sa retraite aux prières de sa mère, c’était moins honorer sa mère qu’insulter à sa patrie : sauver sa patrie par pitié, et sur l’intercession d’une seule femme, c’était déclarer qu’elle ne méritait pas d’être sauvée pour elle-même. Cette retraite fut donc une grâce odieuse et cruelle, dont aucun des deux peuples ne lui sut gré ; car il ne se retira ni sur la demande de ceux à qui il faisait la guerre, ni du consentement de ceux pour qui il la faisait. La cause de toutes ces inconséquences était dans la rudesse de son caractère, dans l’excès de son orgueil et de son opiniâtreté, vice toujours odieux à la foule, mais qui, joint à l’ambition, devient complètement farouche et intraitable. Car on dédaigne alors de faire la cour au peuple, comme si l’on ne désirait pas les honneurs ; et, quand on n’a pu les obtenir, on en conçoit un vif ressentiment.

Bien d’autres, sans doute, un Métellus[1], un Aristide, un Épaminondas, n’ont jamais eu pour la foule ni flatteries ni complaisances : aussi méprisaient-ils véri-

  1. Probablement le Numidique, qui fut en butte aux persécutions de Saturninus.