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qu’il avait rendus. C’était l’usage, à Rome, que ceux qui briguaient le consulat vinssent, sur le Forum, solliciter le peuple et se recommander à lui, vêtus d’une simple robe, et sans tunique ; soit que cet humble costume fut mieux assorti à leur état de suppliant, soit que ceux qui portaient les cicatrices de quelques blessures voulussent montrer des signes visibles de leur bravoure. Car ce n’était point par crainte qu’ils ne corrompissent le peuple à prix d’argent, qu’on avait exigé que les candidats parussent sans ceinture devant les citoyens dont ils briguaient la faveur : on ne vit que longtemps après s’introduire l’usage de vendre ou d’acheter les suffrages, et de trafiquer des élections. La contagion atteignit ensuite les tribunaux et les camps ; et, livrant les armes en esclaves à l’argent, elle changea en monarchie le gouvernement populaire. Ce n’est pas sans raison qu’on a dit que celui-là ruina le premier la démocratie, qui le premier donna des festins au peuple, et qui lui fit des distributions d’argent. Mais on ne voit pas que le fléau se soit manifesté tout d’un coup dans Rome : il s’y glissa, au contraire, secrètement, et par des progrès peu sensibles ; car on ignore quel fut le premier Romain qui corrompit par argent le peuple ou les tribunaux. À Athènes, le premier qui donna de l’argent à des juges fut Anytus, fils d’Anthémion, accusé d’avoir livré aux ennemis le fort de Pylos. C’était sur la fin de la guerre du Péloponnèse[1] : temps où l’âge d’or régnait encore dans toute sa pureté, sur la place publique de Rome.

Marcius montrait les cicatrices de tant de blessures qu’il avait reçues dans tant de batailles, durant dix-sept années[2] où il avait pris part à toutes les guerres, et où il avait toujours remporté le prix de la valeur ; et

  1. Dans la vingt-quatrième année de cette guerre, c’est-à-dire en l’an 407 avant J.-C.
  2. Coriolan disait ceci en l’an 492 ou 491 ; ce qui montre bien que ses premières campagnes sont fort antérieures à la bataille du lac Régille.