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Hermès, ils rattachèrent intimement la profanation des mystères ; insinuant que ces deux crimes procédaient d’une même conspiration, qui avait pour but de changer le gouvernement.

Tous ceux qu’on dénonça furent jetés en prison, sans autre forme, et sans qu’on voulût les entendre ; et l’on se repentit même de n’avoir pas profité du moment où l’on pouvait juger Alcibiade, et punir les monstrueux délits qui lui étaient imputés. Tous les parents d’Alcibiade, tous ses amis ou ses familiers, sentirent rudement le contre-coup de la colère dont le peuple était transporté contre lui. Thucydide a négligé de nommer les dénonciateurs d’Alcibiade ; mais d’autres écrivains signalent Dioclidas et Teucer, cités aussi dans ces vers de Phrynichus le comique[1] ;

Hermès très-cher, prends garde de tomber.
Si tu te brisais, ce serait un beau sujet de calomnie
Pour quelque autre Dioclidas, qui rêve un mauvais coup.
— Je prendrai garde ; car je ne veux pas qu’un Teucer,
Un scélérat d’étranger, reçoive l’argent qu’on paye aux délateurs.


Cependant les dénonciateurs n’alléguèrent rien de précis ni de certain. L’un d’eux, interrogé comment il avait pu, la nuit, reconnaître les visages des hommes qui avaient mutilé les Hermès, répondit : « À la clarté de la lune. » Imposture évidente, attendu que le délit avait eu lieu dans la nouvelle lune. Cette déposition révolta tous les gens sensés ; mais le peuple conserva toute son aigreur : il continua à recevoir, avec la même passion qu’auparavant, toutes les délations, et à faire emprisonner tous ceux qui étaient dénoncés.

Au nombre de ceux qu’on tenait alors en prison, pour

  1. Poëte de l’ancienne comédie, et qu’il ne faut pas confondre avec Phrynichus le tragique, poëte plus ancien.