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conduite que lui seul leur avait suggérée : il les traite de fourbes, de perfides, et qui ne sont venus que dans de mauvaises vues. Le sénat s’indigne, le peuple s’irrite ; et Nicias, qui ignorait la fourberie d’Alcibiade, demeure tout saisi et consterné d’un si soudain changement.

Les Lacédémoniens furent donc renvoyés ; et Alcibiade, nommé général, fit conclure sur-le-champ un traité d’alliance entre les Athéniens et les peuples d’Argos, de Mantinée et d’Élide. Il n’y eut personne qui approuvât le moyen qu’il avait employé pour atteindre son but ; mais ce fut un grand coup d’avoir ainsi divisé et ébranlé tout le Péloponnèse ; d’avoir rangé, en un seul jour, autour de Mantinée, tant de boucliers en face des Lacédémoniens ; d’avoir éloigné d’Athènes les dangers de la guerre, et réduit les Lacédémoniens à ne pouvoir tirer aucun avantage réel de la victoire, s’ils avaient le dessus, et, s’ils étaient vaincus, à trembler pour Lacédémone même. Aussitôt après la bataille[1], les mille hommes de troupes que les Argiens entretenaient formèrent le projet de détruire, dans leur ville, la puissance populaire, et de s’y établir en maîtres. Les Lacédémoniens vinrent sur ces entrefaites, et y abolirent en effet la démocratie. Mais le peuple reprit les armes, et se rendit le plus fort. Alcibiade accourut, assura la victoire populaire, et persuada aux citoyens de construire de longues murailles, jusqu’à la mer, afin de rattacher complètement leur ville à la puissance athénienne. Il leur amena d’Athènes des maçons et des tailleurs de pierre ; et il leur montra tant de zèle, qu’il acquit, dans Argos, non moins de crédit et d’autorité pour lui-même que pour son pays. Il détermina ceux de Patras[2] à joindre

  1. Cette bataille, où les Lacédémoniens furent vainqueurs, se donna en 418, à Mantinée.
  2. Ville de l’Achaïe. Elle subsiste encore aujourd’hui sous son ancien nom.