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eût, entre Alcibiade et les Lacédémoniens, des liens d’hospitalité, et qu’Alcibiade eût fait le meilleur traitement à ceux des leurs que les Athéniens avaient pris à Pylos, cependant toute l’affection des Lacédémoniens s’était portée sur Nicias, dont les bons offices surtout leur avaient valu la paix et le recouvrement de leurs prisonniers. L’on disait, dans la Grèce, que Périclès avait allumé la guerre, et que Nicias l’avait éteinte ; et la plupart même nommaient cette paix une œuvre de Nicias[1]. Enflammé de dépit et de jalousie, Alcibiade cherchait les moyens de rompre le traité. D’abord, ayant su que les Argiens, qui haïssaient et craignaient les Spartiates, ne cherchaient qu’une occasion de défection, il leur donna secrètement l’espérance d’être soutenus par les Athéniens ; et il encourageait sous main, soit par lui-même, soit par des émissaires, les chefs de ce peuple à ne rien craindre, à ne pas céder aux Lacédémoniens, mais à se tourner vers les Athéniens, et à attendre qu’un repentir, qui ne tarderait guère, leur fît rompre la paix. Lorsque ensuite les Spartiates eurent fait alliance avec les Béotiens, et qu’ils eurent remis aux Athéniens le fort de Panacte[2], non point en bon état, comme ils en avaient pris l’engagement, mais tout démantelé, Alcibiade, voyant les Athéniens irrités de ce manque de foi, travailla à les aigrir davantage. En même temps il ameutait le peuple contre Nicias, par des accusations qui n’étaient pas sans vraisemblance : il lui imputait de n’avoir pas voulu, pendant qu’il commandait l’armée, faire prisonniers de guerre les Spartiates qu’on avait laissés dans l’île de Sphactérie[3] ; et, après que d’autres les avaient pris, de les avoir relâchés et rendus, pour faire plaisir aux Lacédémoniens. « Ni-

  1. Pour les détails, voyez la Vie de Nicias, qui est la vingt-septième.
  2. Ce fort était situé sur les frontières de l’Attique et de la Béotie.
  3. Dans la mer Ionienne, sur la côte d’Élide et en face de Pylos. Elle se nomme aujourd’hui Prodona.