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nait Antiope, fit quelque séjour dans ces parages. Il avait eu pour compagnons, dans son entreprise, trois jeunes Athéniens, trois frères, Eunéus, Thoas et Soloon[1]. Ce dernier s’éprit d’amour pour Antiope. Il ne s’en était ouvert à personne, hormis un seul de ses amis. Il finit pourtant par se déclarer à Antiope, qui rejeta bien loin ses propositions ; mais d’ailleurs elle se conduisit avec beaucoup de prudence et de douceur, et elle ne se plaignit point à Thésée. Soloon, ayant perdu tout espoir, se précipita dans un fleuve, et s’y noya. Thésée apprit alors la cause de ce malheur, et la passion du jeune affligé. Sa douleur lui rappela un oracle de la Pythie, l’ordre qu’il avait reçu à Delphes de fonder une ville dans une terre étrangère, à l’endroit où il aurait éprouvé un vif chagrin, et d’y laisser pour gouverneurs quelques-uns de ses compagnons. Il bâtit donc une ville, qu’il appela Pythopolis, du nom du dieu[2] ; et il donna au fleuve voisin le nom de Soloon, en l’honneur du jeune homme. Il laissa les deux frères de Soloon pour gouverner la ville et lui donner des lois, et, avec eux, Hermus, un des eupatrides[3] d’Athènes. C’est de là que les Pythopolites appellent un certain endroit de leur ville la maison d’Hermès : une contraction vicieuse, sur la seconde syllabe du mot, a fini par leur faire transporter cet honneur du héros à un dieu[4].

Tel fut le prétexte de la guerre des Amazones. Cette guerre ne fut, évidemment, ni chose légère ni affaire de femmes. En effet, auraient-elles campé dans Athènes même, et livré le combat en un lieu voisin du Pnyx et du Musée, si elles ne s’étaient auparavant rendues maîtresses du pays, et si elles ne fussent venues intrépidement

  1. Au lieu de Soloon, d’autres lisent Soloïs.
  2. Le dieu était Apollon Pythien.
  3. Autrement dit des nobles.
  4. Les génitifs grecs des noms d’Hermus et d’Hermès ne diffèrent que par l’accent : Ἕρμου, Ἑρμοῦ.