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uns qu’il reste le même, les autres qu’il ne reste pas le même.

Ce fut aussi Thésée qui établit la fête des Oschophories. En effet, on dit qu’il n’avait pas emmené en Crète toutes les filles qui étaient tombées cette fois au sort. Il avait choisi deux jeunes gens de ses amis, aux traits délicats comme ceux des jeunes filles, mais dont le cœur était plein de courage et de résolution. Il leur fit prendre souvent des bains chauds, et il les fit longtemps vivre à l’ombre : ils se frottaient des huiles les plus propres à adoucir la peau, à rendre le teint frais, et ils se parfumaient les cheveux ; et Thésée les accoutuma à imiter la voix, les gestes et la démarche des jeunes filles ; il leur en donna les habits, et il changea si bien leurs manières, qu’il était impossible de soupçonner leur sexe. Ainsi déguisés, il les mêla parmi les jeunes filles, sans que personne se doutât de rien. À son retour, ils conduisirent, lui et ses deux amis, une procession publique, revêtus du même costume dont se couvrent aujourd’hui ceux qui portent, à cette fête, les rameaux chargés de fruits[1]. Ces rameaux, on les porte à l’honneur de Bacchus et d’Ariadne, en mémoire de ce que raconte la tradition, ou plutôt parce que Thésée et ses compagnons arrivèrent à Athènes pendant la récolte des fruits. Les femmes nommées Dipnophores, qui assistent au sacrifice et prennent part à tout ce qui s’y fait, représentent les mères des enfants tombés au sort, lesquelles, au moment de leur départ, leur apportèrent toutes sortes de provisions de bouche. Elles y débitent des fables, de même que ces mères avaient fait des contes à leurs enfants, pour les consoler et soutenir leur courage. C’est à l’historien Démon que nous devons aussi ces détails. On consacra une portion de terre, où l’on bâtit un temple

  1. Le nom de la fête vient de ce qu’on y portait de tels rameaux. Ὦσχος ou ὄσχος veut dire une jeune branche chargée de fruits, et particulièrement le pampre avec ses raisins.