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pour la gloire, bien incompatibles avec une telle atrocité. Éphialte s’était rendu redoutable aux partisans de l’oligarchie ; il recherchait, il poursuivait, avec une âpre ténacité, tous ceux dont le peuple avait à se plaindre : il tomba, dans un guet-apens, sous les coups d’un assassin payé, Aristodicus de Tanagre. Tel est le récit d’Aristote. Pour Cimon, il mourut dans l’île de Cypre, pendant son commandement.

Le parti aristocratique, voyant Périclès devenu le premier et le plus puissant des citoyens, chercha un homme qui pût lui tenir tête, affaiblir son autorité, et empêcher cette autorité d’être réellement une monarchie absolue ; et on lui opposa Thucydide, du dème d’Alopèce, homme plein de sens, et beau-frère de Cimon. Moins habile dans la guerre que n’avait été son parent, il s’entendait mieux que lui à l’art oratoire et au maniement des affaires publiques ; et, comme il habitait toujours la ville, il ne lui fallut que quelques luttes contre Périclès, à la tribune, pour rétablir promptement l’équilibre entre les deux ordres de l’État. Jusqu’alors, ce qu’on appelle les gens de bien et d’honneur, les nobles, ne formaient point un corps : dispersés çà et là, ils étaient mêlés et confondus avec le peuple ; et leur dignité se trouvait ainsi offusquée et effacée dans la multitude. Il fit cesser ce mélange : il distingua tout ce qu’il y avait de nobles, les réunit en un corps, et forma, de toutes leurs forces particulières, un faisceau de puissances, capable de contre-balancer la puissance de Périclès. Dès le principe, il y avait bien une division de familles, mais inaperçue, comme une paille dans le fer. Elle ne faisait qu’indiquer sourdement la différence de race, plébéienne ou aristocratique. Mais la rivalité et l’ambition de ces deux personnages firent comme une profonde incision, qui sépara l’État en deux membres, nommés depuis Peuple et Grands.

C’est alors, et pour cette raison, que Périclès lâcha