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comme une sorte d’aristocratie, à laquelle on donnait le nom de démocratie, mais qui était, dans le fait, une principauté régie par le premier homme de l’État. Suivant plusieurs autres, c’est Périclès qui introduisit la coutume de faire participer le peuple aux distributions des terres conquises, et de lui donner de l’argent pour assister aux spectacles et pour s’acquitter de ses devoirs civiques[1] ; ce qui le gâta, lui inspira le goût de la dépense, le poussa à l’insubordination, et lui fît perdre l’amour de la sagesse et du travail. La cause de ce changement ressort des faits mêmes. On a vu que Périclès, afin de placer son nom sans désavantage en regard de celui de Cimon, commença par s’insinuer dans les bonnes grâces du peuple. Mais Cimon, possesseur de grands biens et de revenus de toute espèce, les employait au soulagement des pauvres, tenait table ouverte à tous venants, habillait les vieillards ; et il avait même fait enlever les haies de ses propriétés, pour que tous ceux qui le voudraient pussent en aller cueillir les fruits. Périclès, moins riche, et qui se voyait inférieur en popularité pour ce motif même, eut recours à des largesses faites avec les deniers publics : ce fut par les conseils de Démonide d’Œa[2], suivant Aristote. Il distribua à la multitude de l’argent pour assister aux spectacles, pour siéger dans les tribunaux, et d’autres salaires divers ; et bientôt le peuple fut séduit. Le peuple lui servit d’instrument contre l’Aréopage, dont il n’était pas membre, parce que jamais le sort ne l’avait désigné pour être archonte, thesmothète, roi des sacrifices, ni polémarque : offices qui, de toute ancienneté, étaient assignés par le sort, et qui faisaient entrer dans le conseil de l’Aréopage ceux qui les avaient remplis avec distinction. Profitant donc de la supériorité que lui donnait la faveur du peuple, Périclès porta le

  1. Voyez Aristote, Politique, livre I, chapitre 9.
  2. Œa était un des dèmes de l’Attique. D’autres lisent d'Ios, une des Sporades.