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citoyens les plus recommandables d’Athènes ; et presque toujours il s’était trouvé en opposition avec Périclès. Archidamus, roi de Lacédémone, lui demanda un jour lequel, de Périclès ou de lui, était le plus habile lutteur ; et Thucydide répondit : « Lorsque, dans la lutte, je le renverse, il crie qu’il n’est pas tombé ; tous voient ce qui en est, et pourtant ils finissent par le croire, et par le proclamer vainqueur. »

Cependant Périclès ne parlait qu’avec une extrême circonspection. Chaque fois qu’il montait à la tribune, il priait les dieux de ne pas permettre qu’il laissât échapper une parole contraire au but qu’il se proposait. Il n’a rien laissé d’écrit que des décrets ; et on ne cite même de lui qu’un bien petit nombre de mots remarquables. Ainsi, parlant de l’île d’Égine : « Il faudrait, dit-il, enlever cette tache de l’œil du Pirée[1]. » Et, sur un autre sujet : « Je vois la guerre accourir du Péloponnèse. » Sophocle[2], son collègue dans le commandement de la flotte, et qui naviguait avec lui, lui faisait un jour l’éloge de la beauté d’un jeune garçon. « Sophocle, lui dit-il, un général doit avoir les mains pures, mais les yeux aussi. » Stésimbrote écrit que, dans l’oraison funèbre qu’il prononça à la tribune, en l’honneur des guerriers morts à Samos, Périclès disait : « Ils sont devenus immortels comme les dieux. Car nous ne voyons pas les dieux ; mais les honneurs que nous leurs rendons, et les bienfaits que nous recevons d’eux, nous font sentir qu’ils sont immortels. Il en est de même des citoyens qui meurent pour leur patrie. »

Thucydide[3] représente le gouvernement de Périclès

  1. Égine n’est qu’à quelques lieues de la côte d’Attique ; et les Éginètes avaient été une puissance maritime avant les Athéniens. On a vu qu’ils avaient pris parti pour les Perses, durant les guerres Médiques. Les Athéniens s’emparèrent de leur île, mais sans pouvoir s’y établir aussi solidement qu’ils l’auraient voulu.
  2. Sophocle, après le succès de son Antigone, fut nommé stratège ou général, par les Athéniens, et il prit part à l’expédition contre Samos.
  3. Il s’agit, cette fois, de Thucydide l’historien, et du deuxième livre de sa Guerre du Péloponnèse.