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laissèrent honteusement égorger, ou ils se livrèrent sans défense à l’ennemi. C’est ainsi que Sutrium fut pris deux fois dans un jour : ceux qui s’en étaient rendus maîtres le perdirent ; et ceux qui se l’étaient laissé prendre le recouvrèrent par le moyen de Camille.

Le triomphe qu’il dut à ses nouveaux exploits ne lui acquit ni moins d’estime ni moins de gloire que les deux premiers. Ses envieux les plus acharnés, ceux-là même qui attribuaient tous ses succès à la Fortune plutôt qu’à sa valeur, furent forcés, par les faits mêmes, à faire honneur de ceux-ci à sa prudence et à son activité. Son rival le plus déclaré et le plus jaloux était Marcus Manlius, ce même Manlius qui avait repoussé le premier les Celtes du haut de la citadelle, la nuit qu’ils escaladèrent le Capitole, et qui avait reçu en récompense le surnom de Capitolinus. Manlius voulait être le premier entre ses concitoyens ; et, comme il ne pouvait parvenir, par des voies honnêtes, à surpasser la gloire de Camille, il prit la route ordinaire de ceux qui aspirent à la tyrannie : il travailla à s’attacher la multitude, et surtout les citoyens perdus de dettes. Il prenait leur parti contre leurs créanciers ; il les défendait dans les tribunaux ; il arrachait de force au créancier le débiteur que la loi lui adjugeait comme esclave. Aussi se vit-il bientôt entouré d’une foule d’indigents, qui faisaient trembler les meilleurs citoyens, et qui troublaient les assemblées du Forum. Quintus Capitolinus, élu dictateur dans ces conjonctures, fit emprisonner Manlius. Mais le peuple prit le deuil, ce qu’il ne faisait jamais que dans les grandes calamités publiques ; et le sénat, qui craignait une sédition, ordonna que Manlius fût mis en liberté. Loin que Manlius fût sorti meilleur de sa prison, il ne fit que soulever le peuple avec plus d’insolence encore, et il remplit la ville de séditions.

Camille est élu derechef tribun militaire. Manlius était traduit en justice ; mais la vue du Capitole nuisait