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les villes à une ruine totale. Mais, contre l’attente générale, ils ne commirent aucune violence, ne pillèrent rien dans les campagnes ; et, lorsqu’ils passaient près des villes, ils criaient, à haute voix : « C’est sur Rome que nous marchons ; nous n’avons d’ennemis que les Romains : tous les autres peuples sont nos amis ! »

Pendant que les barbares s’avançaient avec cette impétuosité, les tribuns militaires sortirent de Rome à leur rencontre. L’armée qu’ils conduisaient n’était pas inférieure en nombre à celle des Gaulois : elle montait à quarante mille hommes de pied : mais c’étaient, pour la plupart, des troupes nouvelles, qui n’avaient jamais été exercées, et qui maniaient les armes pour la première fois. D’ailleurs, les généraux négligèrent de s’assurer l’aide des dieux : ils ne leur offrirent point les victimes propitiatoires ; ils ne s’enquirent pas, auprès des devins, de ce qu’il importait de connaître, dans cette conjoncture critique, au moment où l’on s’apprêtait à livrer bataille. Ce qui ne mit pas moins de confusion dans les opérations militaires, ce fut la multitude des chefs. Auparavant, et pour des guerres bien moins importantes, les Romains avaient souvent nommé un magistrat unique, qu’ils appelaient dictateur. Ils savaient de quelle conséquence il est, dans les conjonctures périlleuses, que tous soient animés d’un même esprit, et qu’un seul chef commande, ayant en main un pouvoir absolu et le droit de juger sans appel. Mais rien ne fit plus de tort à leurs affaires que l’indigne traitement que subissait Camille : il n’y avait pas un général qui osât braver le mécontentement du peuple, ni résister à ses caprices.

Les Romains s’avancèrent jusqu’à quatre-vingt-dix stades de la ville[1], et ils campèrent sur les bords de la rivière d’Allia[2], non loin de son confluent avec le Tibre.

  1. Un peu plus de quatre lieues. Le stade répond à 185m, 015.
  2. Dans le pays sabin.