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leur intrigue resta secrète ; mais enfin leur passion mutuelle acquit tant de force, qu’ils ne pouvaient plus ni la vaincre ni la cacher. Le jeune homme enleva la femme d’Aruns, et la garda publiquement chez lui. Le mari lui intenta un procès ; mais, incapable de lutter contre les nombreux amis, le crédit et les largesses de Lucumon, il succomba, et il perdit sa cause. Alors il quitta son pays, vint chez les Gaulois, qu’il connaissait de réputation, et se mit à leur tête, pour les conduire en Italie.

Les envahisseurs eurent conquis en un instant toute la contrée qui s’étend depuis les Alpes jusqu’aux deux mers, et que possédaient, de temps immémorial, les peuples étrusques, comme les noms des lieux le prouvent encore. En effet, la mer qui est au nord s’appelle Adriatique, d’Adria, ville étrusque ; et la mer inférieure, située au midi, se nomme la mer d’Étrurie. Tout le pays est planté d’arbres, riche en pâturages, et arrosé de plusieurs rivières. Il avait alors dix-huit villes, belles et grandes, faisant un commerce très-étendu, et qui vivaient dans le luxe et l’opulence. Les Gaulois en chassèrent les Étrusques, et s’y établirent. Au reste, cette invasion avait eu lieu longtemps avant l’exil de Camille[1]. Mais ce fut durant cet exil, que les Gaulois vinrent assiéger Clusium, ville d’Étrurie.

Les habitants de Clusium implorèrent le secours des Romains, et les prièrent d’envoyer aux barbares des députés et des lettres. Les Romains dépêchèrent trois hommes de la famille des Fabius, personnages distingués, et qui jouissaient dans Rome d’une haute considération. Les Gaulois, par égard pour le nom de Rome, les reçurent honnêtement : ils suspendirent l’attaque des murs, et ils entrèrent en conférence avec les députés. « Quel tort, demandèrent ceux-ci, avez-vous reçu des Clusiens, pour être venus assiéger leur ville ? » À cette

  1. Environ deux siècles auparavant.