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Romains appellent Mère Matuta[1], et qui paraît être, à en juger par les cérémonies de ses sacrifices, la même que Leucothée. On fait entrer une esclave dans le sanctuaire : là, on lui donne des soufflets, et puis on la chasse dehors. Chacun porte dans ses bras, non ses propres enfants, mais ceux de ses frères. Enfin on voit représentés, dans le sacrifice, Bacchus aux mains de ses nourrices, et Ino persécutée par la concubine de son époux.

Camille, après ce vœu, entra en armes sur les terres des Falisques ; et il les défit dans une grande bataille, eux et les Capénates, leurs alliés. Il marcha de là au siège de Véies. Il reconnut bien vite la difficulté et les périls d’un assaut  : mais, comme le terrain des environs pouvait être creusé si profondément qu’on déroberait à l’ennemi la connaissance de ce travail, il fit ouvrir des mines. L’ouvrage réussit : et, tandis que Camille assaillait extérieurement la ville, afin d’attirer les Véiens sur les murailles, un autre corps de troupes entrait par les mines, et pénétrait, sans être découvert, jusque sous la citadelle, à l’endroit même où était le temple de Junon, le plus grand de tous ceux de la ville, et le plus honoré[2]. On dit que, dans ce moment, le général des Étrusques faisait un sacrifice, et que le devin, après avoir considéré les entrailles de la victime, s’était écrié : « La divinité promet la victoire à qui achèvera ce sacrifice ! » Les Romains qui étaient dans la mine avaient entendu ces paroles : ils ouvrent la terre, et ils sortent en jetant de grands cris, et en faisant retentir leurs armes. Les Véiens, épouvantés, prennent la fuite  : les Romains enlèvent les entrailles de la victime, et ils les vont porter à Camille. Mais peut-être ne verra-t-on, dans ce récit, qu’un conte fait à plaisir.

  1. Cette fête est marquée dans les anciens calendriers romains au onzième jour de juin, et elle se nommait Matralia. Quant au nom de Matuta, on le trouve, dans les auteurs classiques, comme qualification de l’Aurore.
  2. Junon était la déesse protectrice de Véies.