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qu’on trouve à chaque pas en Italie, ou étaient entièrement taris, ou n’avaient que très-peu d’eau ; les rivières, toujours basses en été, étaient restées presque à sec ; mais le lac d’Albe, qui a sa source en lui-même, et qui n’a point d’écoulement, fermé qu’il est de tous côtés par des montagnes fertiles, grossit tout à coup, et il s’enfla visiblement, sans cause aucune, sinon la volonté des dieux : il gagna les flancs des montagnes ; et, sans avoir éprouvé ni agitation ni bouillonnement, il s’éleva au niveau de leurs sommets. Les pâtres et les bouviers, premiers témoins du phénomène, n’y virent qu’un spectacle étonnant ; mais, lorsque l’espèce de digue qui contenait le lac, et qui l’empêchait d’inonder les campagnes, eut été rompue par la quantité et le poids des eaux, et qu’un torrent impétueux roula vers la mer, à travers les guérets, alors un sentiment d’effroi saisit et les Romains et tous les peuples d’Italie, et l’on aperçut, dans ce prodige, le signe de quelque événement extraordinaire. On ne parlait d’autre chose dans le camp de devant Véies ; et le bruit en passa ainsi jusqu’aux assiégés eux-mêmes.

C’est l’ordinaire, durant un long siège, qu’il s’établit, entre les deux peuples ennemis, des communications fréquentes et des conférences. Un Romain s’était lié familièrement avec un des Véiens, homme fort versé dans la connaissance des antiquités, et estimé habile entre tous dans l’art de la divination. Le Romain lui parla du débordement du lac : et, voyant que cette nouvelle lui causait une joie extrême, et qu’il plaisantait à propos du siège, il lui dit que ce n’était pas le seul prodige dont les Romains eussent été en ce temps-là les témoins : qu’il y en avait eu de bien plus merveilleux encore, et qu’il les lui voulait raconter, pour savoir s’il n’y avait pas pour lui-même, dans le commun malheur, quelque moyen de pourvoir à sa sûreté personnelle. Le Véien consentit volontiers  : et il prêtait une oreille attentive aux propos du Romain, dans l’espérance d’apprendre des