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et de ses délices, les Romains avaient trouvé en elle une rivale de gloire et de puissance ; et plus d’une fois, dans les combats, ils avaient éprouvé sa valeur. Mais aujourd’hui, elle était affaiblie par la perte de plusieurs batailles, et elle avait renoncé à son ambition. Les Véiens, contents de s’être entourés de fortes murailles, et d’avoir rempli la ville d’armes, de traits, de vivres, et de toutes les autres provisions nécessaires, soutenaient tranquillement le siège. Il durait depuis longtemps, non moins pénible et non moins fâcheux pour les assiégeants que pour les assiégés. En effet, les Romains, accoutumés à ne faire que des campagnes d’été, et fort courtes, et à hiverner dans leurs foyers, s’étaient vus forcés alors, pour la première fois, par les tribuns, de construire des forts, de retrancher leur camp, de passer les étés et les hivers dans le pays ennemi. Il y avait près de sept ans que la guerre durait, lorsque le peuple, mécontent des généraux, qu’il accusait de presser trop mollement le siège, leur ôta le commandement, et en élut d’autres pour continuer la guerre. Camille fut du nombre : et c’était la seconde fois qu’il était tribun. Mais il ne fut pas d’abord employé au siège de Véies : il eut pour lot l’expédition contre les Falisques et les Capénates[1], qui, voyant les Romains occupés ailleurs, étaient entrés sur leurs terres, et qui les avaient fort inquiétés durant la guerre d’Étrurie. Camille les battit, fit un grand carnage des leurs, et les força de se renfermer dans leurs murailles.

La guerre était dans tout son feu, quand le lac d’Albe présenta un phénomène des plus étranges qu’on pût voir, et qui effraya tout le monde, parce qu’il n’y avait à lui assigner aucune des causes ordinaires, aucune raison physique. On était près de l’automne ; et l’été, qui finissait, n’avait eu ni des pluies abondantes, ni des vents violents du midi : les lacs, les ruisseaux et les sources,

  1. Habitants de Falèries et de Capène, deux villes de l’Étrurie.