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par Hésiode, le plus grand des rois, et, par Homère, le familier de Jupiter. Les poëtes tragiques ont prévalu ; et, du haut du logéum[1] et de la scène, ils ont fait pleuvoir sur lui l’opprobre, et ils l’ont fait passer pour un homme dur et violent ; et pourtant Minos est, à les entendre, le roi et le législateur des enfers, tandis que Rhadamanthe n’y est que l’exécuteur des arrêts portés par Minos.

Le temps de payer le troisième tribut arriva ; et il s’agissait de faire prononcer le sort sur ceux des pères de famille qui avaient de jeunes enfants. Ce fut une nouvelle occasion, pour Égée, de se voir assailli par les plaintes et les murmures des citoyens. Il était seul, disait-on, la cause de tout le mal, et seul il n’avait aucune part à la punition ; il faisait passer sa royauté à un étranger, à un bâtard, et il ne s’inquiétait nullement de les voir privés de leurs fils légitimes, de tous leurs enfants. Ces doléances perçaient le cœur de Thésée : il se décida donc à partager lui-même la fortune des autres citoyens ; et, dans ce dessein, il s’offrit volontairement pour aller en Crète, sans tirer au sort. Les Athéniens admirèrent sa grandeur d’âme, et ce dévouement conquit leur affection. Égée employa d’abord les prières et les plus vives instances pour dissuader son fils ; mais il finit par céder à son inflexibilité, et il tira au sort les autres enfants. Cependant, s’il faut en croire Hellanicus[2], ce n’était point le sort qui désignait les jeunes garçons et les jeunes filles qu’envoyait la ville : c’était Minos lui-même qui les venait choisir ; et, cette fois, il prit Thésée le premier de tous. Les conventions établies étaient : que les Athéniens fourniraient le vaisseau de transport ; que les enfants que Minos embarquerait avec

  1. Ce mot, qui signifie parloir, désigne la plate-forme de la scène, ou, si l’on veut, le plancher du théâtre.
  2. Historien né à Lesbos en 495 avant J.-C., et dont il ne reste que des fragments.