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été suivi d’un sacrifice, Olbius, gouverneur des enfants de Nicogène, subitement inspiré, et dans un transport prophétique, prononça tout haut ce vers :

Donne à la nuit une voix ; donne-lui le conseil et la victoire.


Thémistocle s’alla coucher, et il crut voir en songe un dragon, qui s’entortillait autour de son ventre, et qui se glissait le long de son cou. À peine le dragon eut touché son visage, qu’il se changea en aigle, couvrit Thémistocle de ses ailes, l’emporta un long espace de chemin, et le plaça sur un caducée d’or, qui parut tout à coup. Thémistocle s’y sentait le pied ferme, et l’âme délivrée d’une frayeur et d’un trouble extrêmes. Nicogène l’envoya donc au roi ; et voici l’expédient dont il s’avisa, pour le conduire en sûreté. Chez presque toutes les nations barbares, et surtout chez les Perses, les femmes sont l’objet d’une jalousie sauvage et impitoyable ; et non-seulement celles qu’ils ont épousées, mais même les esclaves qu’ils ont achetées, et dont ils ont fait leurs concubines. Aussi les gardent-ils si étroitement, que nul étranger ne les peut voir : dans leurs maisons, ils les tiennent sous clef ; en voyage, ils les font porter sur des chariots couverts de pavillons, et bien enfermées de tous côtés. C’est dans un de ces chariots, que Nicogène fit mettre Thémistocle ; et les gens de l’escorte répondaient, à toutes les questions des passants, que c’était une femme grecque qu’ils amenaient d’Ionie à un des grands de la porte du roi.

Thucydide et Charon de Lampsaque[1] disent que Thémistocle n’arriva en Perse qu’après la mort de Xerxès, et que c’est au fils de Xerxès qu’il se présenta. Éphore[2],

  1. Historien antérieur à Hérodote, et cité comme auteur d’une Histoire des Perses.
  2. Éphore avait écrit une Histoire de la Grèce, et il passait, après Hérodote et Thucydide, pour le premier des historiens.