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temple près de sa maison, dans le quartier de Mélite, où, de nos jours, les bourreaux jettent les corps des suppliciés, et où ils apportent les vêtements de ceux qu’ils ont étranglés et mis à mort, et les cordes dont ils se sont servis pour l’exécution. Il y avait encore, de mon temps, dans le temple de Diane Aristobule, une statuette de Thémistocle ; et, à en juger par cette image, ce n’est pas l’âme seulement que Thémistocle avait héroïque, c’étaient aussi les traits. Les Athéniens donc, pour abattre une autorité qui leur paraissait démesurée, bannirent Thémistocle par l’ostracisme, sorte d’exil qu’ils avaient coutume d’infliger à tous ceux dont ils redoutaient la puissance, et qui ne se renfermaient pas dans les bornes de l’égalité démocratique. Car l’ostracisme n’était pas un châtiment : c’était une satisfaction, un soulagement accordé à l’envie, laquelle aime à rabaisser ceux dont l’élévation lui fait ombrage, et qui trouvait, dans leur abaissement, un moyen d’exhaler sa haine.

Thémistocle, banni d’Athènes, vivait à Argos[1], lorsque la découverte de la trahison de Pausanias fournit à ses ennemis un sujet d’accusation contre lui. Léobolès, fils d’Alcméon, du dème d’Agraule, le dénonça comme traître ; et les Spartiates appuyèrent l’accusation. Pausanias, tout ami qu’il fût de Thémistocle, lui avait d’abord caché la trahison qu’il méditait ; mais, quand il le vit dépouillé de l’autorité, et supportant impatiemment son exil, il se hasarda à lui en faire part, et il le sollicita d’entrer dans le projet. Il lui montra les lettres du roi, et il chercha à l’irriter contre les Grecs, en les taxant de méchanceté et d’ingratitude. Thémistocle rejeta bien loin la proposition de Pausanias, et se défendit de toute complicité avec lui. Mais, en même temps, il garda un profond secret sur le complot, et il ne s’en ouvrit à

  1. Dans le Péloponnèse.