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Oui, pour le prix de trois talents d’argent, Il a mis à la voile l’infâme !
Ramenant injustement ceux-ci d’exil, bannissant ceux-là mettant les autres à mort ;
Du reste, repu d’argent. Et, à l’isthme, il tenait table ouverte ; avec quelle lésinerie ! il servait des viandes froides ;
Et l’on mangeait, en souhaitant que Thémistocle n’allât pas jusqu’au printemps.


Mais Timocréon lance contre Thémistocle des traits plus piquants encore, et il le ménage moins que jamais, dans un chant qu’il fit après le bannissement de Thémistocle, et qui commence ainsi :

Muse, donne à ces vers, parmi les Grecs, le renom qu’ils méritent et que tu leur dois.


On dit que Timocréon fut banni pour avoir embrassé le parti des Mèdes, et que Thémistocle opina pour la condamnation. Aussi, lorsque Thémistocle subit la même accusation, Timocréon l’attaqua-t-il en ces termes :

Timocréon n’est pas le seul qui ait traité avec les Mèdes.
Il y a bien d’autres pervers, et je ne suis pas le seul boiteux ;
Il y a d’autres renards encore.

Les citoyens, envieux de sa gloire, prêtaient volontiers l’oreille à ces calomnies ; et Thémistocle se voyait forcé de les fâcher davantage, en rappelant sans cesse, quand il parlait dans l’assemblée du peuple, ses services et ses exploits. Et, lorsqu’on témoignait quelque impatience : « Quoi donc ! disait-il, vous vous lassez de recevoir trop souvent les bienfaits des mêmes personnes ! » Il n’offensa pas moins la multitude en élevant un temple à Diane Aristobule, comme il avait surnommé la déesse, pour faire entendre qu’il avait donné à Athènes et à toute la Grèce les meilleurs conseils[1]. Il construisit ce

  1. C’est ce que signifie le nom d’Aristobule.