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tocle : c’était Architélès, commandant de la trirème sacrée, qui manquait d’argent pour payer ses matelots. Thémistocle souleva contre Architélès les gens de l’équipage, déjà mécontents : ils lui coururent sus, et ils lui enlevèrent son souper. Architélès s’indignait de l’affront, et il se répandait en plaintes, quand il reçut de Thémistocle du pain et de la viande dans un panier, au fond duquel il y avait un talent d’argent, avec l’ordre de souper tranquillement, et, le lendemain, de satisfaire ses matelots ; sinon, qu’il serait dénoncé auprès des Athéniens, comme ayant reçu de l’argent des ennemis. Tel est le récit de Phanias le Lesbien.

Les combats qu’on soutint dès lors dans le détroit contre les barbares ne laissèrent pas, sans être décisifs, d’avoir un bon résultat pour les Grecs : ils y firent l’essai de leurs forces ; ils y apprirent, par la lutte même, que le nombre des vaisseaux, la pompe et la magnificence de leurs ornements, pas plus que des clameurs insolentes ou des chants barbares, ne sont faits pour effrayer des hommes fermes et intrépides ; qu’il n’y a qu’à mépriser tout ce vain appareil, à marcher droit à l’ennemi, à le serrer de près, et à le saisir pour mieux porter les coups. C’est ce qu’a bien compris Pindare, quand il a dit, de la bataille d’Artémisium :

Les enfants d’Athènes y jetèrent l’illustre
Fondement de la liberté.


En effet, oser, c’est le commencement de la victoire.

Artémisium est un promontoire de l’île d’Eubée, qui s’étend au nord au-dessus d’Histiée : en face est Olizon, dans le pays où régna jadis Philoctète. Il y a, sur le promontoire, un petit temple, consacré à Diane, surnommée Orientale. Il est entouré d’un bois, et décoré d’un portique de pierre blanche : cette pierre, quand on la frotte avec la main, rend l’odeur du safran, et en prend