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résultat, Thémistocle l’obtint, au rapport de Stésimbrote, malgré Miltiade, qui ne put faire prévaloir l’avis contraire.

Ce changement corrompit-il, oui ou non, la perfection et la pureté du gouvernement d’Athènes ? c’est une question trop philosophique pour la traiter ici ; mais, ce qu’il y a de certain, c’est qu’alors la Grèce dut son salut à la mer, et que ces trirèmes rétablirent Athènes, qui avait été entièrement détruite. Il y en a plus d’une preuve, entre autres la conduite de Xerxès. Après la défaite de sa flotte, alors même que son armée de terre n’avait encore reçu aucun échec, Xerxès prit la fuite, confessant ainsi qu’il ne pouvait plus soutenir la lutte. Que s’il laissa Mardonius en Grèce, ce fut plutôt, j’imagine, pour empêcher les Grecs de le poursuivre, que dans l’espoir de les subjuguer.

Il y en a qui représentent Thémistocle cherchant, par tous les moyens, à gagner de l’argent pour fournir à ses prodigalités. Comme il aimait à faire des sacrifices, et qu’il traitait magnifiquement les étrangers, ses dépenses devaient être considérables. D’autres, au contraire, l’accusent d’une avarice et d’une mesquinerie sordides, jusqu’à envoyer vendre les comestibles dont on lui faisait présent. Un jour, il avait demandé un poulain à Diphilidès, l’éleveur de chevaux, et il avait essuyé un refus : il le menaça de faire bientôt de sa maison un nouveau cheval de bois[1] ; donnant à entendre qu’il susciterait à ce personnage des querelles de famille et des procès avec ses parents.

Nul ne porta jamais l’ambition aussi loin que Thémistocle. Dans sa jeunesse, lorsqu’il était encore peu connu, il obtint, à force de prières, d’Épiclès d’Hermione, joueur de lyre fort goûté des Athéniens, qu’il vînt donner ses leçons chez lui, afin qu’on vît sa maison recher-

  1. Allusion au cheval de bois qui causa la ruine des Troyens.