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lissus défendit Samos contre Périclès, lequel est de beaucoup postérieur à Thémistocle ; et Anaxagore était l’ami de Périclès. Il faut donc préférer le sentiment de ceux qui font de Thémistocle un zélateur de Mnésiphile le Phréarien[1]. Mnésiphile n’était ni un orateur, ni un de ces philosophes qu’on appelait physiciens[2] : il faisait profession de la sagesse, comme on nommait alors l’art de gouverner, et la prudence dans le maniement des affaires. Mnésiphile était l’héritier d’une sorte de secte philosophique, qui remontait à Solon, et dont il enseignait les préceptes. À ces doctrines, on mêla, dans la suite, l’art de disputer : les maîtres de la tradition abandonnèrent les affaires, pour les discours de pure déclamation, et ils reçurent le nom de sophistes[3]. Pour Thémistocle, quand il s’attacha à Mnésiphile, il avait déjà pris part à l’administration de l’État.

Dans la première ardeur de sa jeunesse, il était inégal et inconstant. Il se laissait aller à son naturel impétueux, et que ne modéraient ni la raison ni l’éducation ; il tombait dans les excès les plus opposés, et souvent il choisissait le pire parti. Il l’avouait lui-même plus tard, disant que les poulains les plus fougueux deviennent les meilleurs chevaux, quand ils sont domptés et bien dressés. On a beaucoup exagéré, à ce propos : on a dit qu’il avait été déshérité par son père, et que sa mère, accablée de douleur de la vie honteuse que menait son fils, s’était donné la mort ; mais ce sont là, je crois, de pures fictions. Quelques-uns, au contraire, assurent que son père, pour le détourner de l’administration des affaires publiques, lui montra, sur le rivage de la mer, de vieilles trirèmes jetées là, et abandonnées : « Voilà, ajouta-t-il, comment

  1. Ce Mnésiphile n’est pas connu d’ailleurs.
  2. C’est le nom qu’on donnait, dans l’antiquité, aux philosophes de l’école ionienne, Thalès, Anaximandre, etc.
  3. Vers le temps de Socrate. Le mot sophiste signifie savant, et il se prit d’abord en bonne part.