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COMPARAISON DE SOLON ET DE PUBLICOLA.

d’honneurs, eut en partage, après le triomphe, la mort que Solon désirait le plus, et qu’il regardait comme le bonheur suprême.

D’ailleurs, le souhait de Solon, dans sa réponse à Mimnerme[1] sur la durée de la vie :


Que ma mort ne soit pas sans pleurs, mais que mes amis
Célèbrent mes funérailles, dans la douleur et les gémissements ;


ce souhait prouve le bonheur de Publicola. Car la mort de Publicola fut pleurée, non-seulement de ses parents et de ses amis, mais de la ville entière. C’étaient partout des larmes, des regrets, une tristesse profonde ; et les femmes romaines semblaient, à en juger par leur deuil, avoir perdu toutes un fils, un frère ou un père. Solon disait :


Je désire avoir des richesses ; mais ce n’est point de l’injustice
Que je les veux tenir…,


parce que la punition finit toujours par arriver. Publicola ne s’enrichit point par des injustices ; et il eut de plus la gloire de faire un bon usage de sa fortune, en secourant les pauvres. Si donc Solon a été le plus sage des hommes, Publicola en a été le plus heureux ; car, tous les biens que le premier a désirés comme les plus grands et les plus beaux, Publicola les a possédés, et il en a joui jusqu’à sa mort.

Solon, comme on le voit, a glorifié Publicola ; mais Publicola, à son tour, a glorifié Solon, en se le proposant comme le plus parfait modèle que puisse imiter le fondateur d’un État populaire. Il ôta à l’autorité souveraine son faste d’autrefois, et il la rendit pour tous bienveillante et douce, il emprunta plusieurs lois de Solon, entre autres celles qui donnaient au peuple le droit d’élire les magistrats, et qui permettaient aux accusés d’en

  1. Poëte élégiaque, né à Colophon, et contemporain de Solon.