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fait, il imite Tarquin ? Il marche seul entouré de tous les faisceaux et de toutes les haches, quand il sort de sa maison ; et cette maison est plus magnifique que ne le fut jamais celle du roi, qu’il a lui-même démolie ? » Et véritablement, il habitait une maison trop splendide. Située sur le mont appelé Vélia, elle dominait le Forum : de cette hauteur, rien ne bornait la vue ; la montée était d’ailleurs d’un accès difficile. Quand Valérius descendait avec son cortége, sa marche avait quelque chose de pompeux, et qui sentait le faste d’un roi. Il fit voir combien il est heureux pour les hommes en place, et chargés d’affaires importantes, d’avoir l’oreille ouverte au langage de la franchise et de la vérité, plutôt qu’aux discours des flatteurs. Averti, par les rapports de ses amis, du mécontentement du peuple, au lieu de disputer et de s’emporter, il assemble, avant même qu’il fît jour, un grand nombre d’ouvriers, démolit sa maison, et la fait raser jusqu’aux fondements. Quand le jour eut paru, et que les Romains virent ce spectacle, ce fut un éloge, une admiration unanime pour la grandeur d’âme de Valérius ; mais ils regrettèrent la maison, et ils furent fâchés que l’envie eût détruit tant de grandeurs et de magnificence : on eût dit la mort d’un homme injustement condamné. Ils avaient honte aussi que le consul logeât, comme un homme sans feu ni lieu, dans une maison d’emprunt ; car Valérius fut recueilli chez ses amis, et il y demeura jusqu’à ce que le peuple lui eût donné un emplacement, sur lequel il fit bâtir une maison plus modeste que la première : c’était dans le lieu où est maintenant le temple de Vica-Pota[1].

Ce ne fut pas seulement sa personne, que Valérius voulut rendre agréable et douce au peuple, mais bien aussi l’autorité du consulat, jusqu’alors si redoutée. Il ôta

  1. C’est le nom de la victoire divinisée : il se compose des deux racines de vinco et de potior, vaincre et se rendre maître. La leçon Οὐΐκος πόπλεκος de la plupart des éditions ne donne ici aucun sens raisonnable.