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taque des Romains : ils furent tous faits prisonniers, et leur camp livré au pillage. Les Romains comptèrent ensuite les morts : il s’en trouva onze mille trois cents du côté des Étrusques, et un de moins du côté des Romains.

On dit que cette bataille fut donnée la veille des calendes de Mars[1]. Valérius obtint le triomphe, et il fut le premier des consuls qui entra dans Rome sur un char à quatre chevaux. Les spectateurs admirèrent cette pompe et cette majesté, mais sans nul sentiment d’envie ni de mécontentement, quoi qu’en aient dit certains auteurs : sinon, le triomphe n’eût pas été, depuis, l’objet d’une si vive émulation ; et l’usage ne s’en serait pas maintenu durant tant d’années.

On sut gré à Valérius des honneurs qu’il rendit à son collègue pendant et après les obsèques. Il prononça son oraison funèbre. Ce discours fut agréable au peuple, et cette innovation prit faveur : aussi tous les personnages distingués par leurs vertus et leurs talents sont-ils, après leur mort, publiquement loués par les plus gens de bien. On dit cette oraison funèbre antérieure à toutes celles qui ont été faites en Grèce ; mais c’est à Solon peut-être, comme le veut l’orateur Anaximène[2], qu’il faut rapporter l’origine de cet usage d’honorer les morts.

Mais bientôt la conduite de Valérius commença à déplaire, et à devenir suspecte. Brutus, que le peuple regardait comme le père de la liberté, n’avait pas voulu gouverner seul, et il s’était donné deux fois un collègue. « Pour Valérius, disait-on, il s’attribue à lui seul toute l’autorité. Il n’est pas l’héritier du consulat de Brutus, c’est trop peu pour lui, mais de la tyrannie de Tarquin. Qu’avons-nous besoin qu’il loue Brutus en paroles, si, de

  1. C’est-à-dire le dernier jour du mois de février de l’an 508 ayant J.-C.
  2. Cet Anaximène n’est pas connu d’ailleurs. D’après les autorités les plus accréditées, l’usage de louer publiquement les morts ne date, en Grèce, que du temps des guerres Médiques.