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N’accusez pas les dieux de votre malheur.
Ces hommes, c’est vous qui les ayez faits si grands, en leur donnant ces appuis ;
Et voilà pourquoi vous êtes dans ce honteux esclavage.

Cependant on ne cessait de l’avertir que le tyran pourrait bien le faire mourir ; et, comme on lui demandait sur quoi il se fondait, pour parler avec tant d’audace : « Sur ma vieillesse, » répondit-il. Mais on se trompait. Pisistrate, devenu maître absolu dans Athènes, ne donna à Solon que des marques de considération et de bienveillance ; et il l’appela si souvent auprès de sa personne, qu’enfin Solon devint un de ses conseillers, et approuva la plupart des choses qu’il fit. Il est vrai que Pisistrate maintenait presque toutes les lois de Solon ; qu’il était le premier à s’y conformer lui-même, et à y faire se conformer, bon gré mal gré, ses amis. Accusé de meurtre devant l’Aréopage, tout tyran qu’il fût déjà, il comparut modestement pour se justifier ; mais l’accusateur se désista. Il fit lui-même quelques lois, entre autres celle qui ordonnait que les citoyens estropiés à la guerre fussent nourris aux frais de l’État. Cependant Solon, au rapport d’Héraclide, aurait fait rendre, dès avant, un pareil décret en faveur de Thersippe blessé, et Pisistrate n’aurait été que l’imitateur. Théophraste[1] attribue à Pisistrate, et non point à Solon, la loi contre les gens oisifs, qui contribua à faire mieux cultiver la campagne, et à rendre Athènes plus tranquille.

Solon avait entrepris de mettre en vers cette grande histoire ou cette fable de l’Atlantide, que lui avaient contée les sages de Saïs, et qui intéressait les Athéniens. Mais il y renonça bientôt, non point, comme le prétend Platon, qu’il eût autre chose à faire, mais bien à cause de sa vieillesse, et effrayé de la longueur du travail ; car

  1. C’est le fameux philosophe, disciple d’Aristote et auteur des Caractères.