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à l’adolescence, eut montré qu’à la force du corps, au courage et à la grandeur d’âme, il joignait la sagesse et le bon sens, Éthra le mena au lieu où était la pierre, lui découvrit le secret de sa naissance, lui dit de retirer les signes de reconnaissance laissés par son père, et lui conseilla de s’embarquer pour Athènes. Thésée souleva facilement la pierre ; mais il refusa de s’en aller par mer, bien que cette route fût la plus sûre, et malgré les instances de son aïeul et de sa mère ; car il était dangereux de se rendre par terre à Athènes : le chemin était infesté, d’un bout à l’autre, par des voleurs et des brigands. Ce siècle avait produit des hommes d’une adresse, d’une agilité, d’une force de corps incomparable, puis-je dire, et invincible ; mais, au lieu d’employer ces qualités naturelles à quelque fin honnête et utile, ils faisaient leurs délices de l’outrage et de l’impudence ; et tout le fruit qu’ils tiraient de leur supériorité, c’était l’assouvissement de leur cruauté et de leur rage, l’asservissement, l’oppression, la destruction de ceux qui tombaient sous leurs mains. Persuadés que la plupart des hommes ne louent la pudeur, l’égalité, la justice et l’humanité, que parce qu’ils n’ont pas la hardiesse de commettre des injustices, ou parce qu’ils craignent d’en éprouver, ils croyaient que toutes ces vertus n’étaient pas faites pour ceux qui peuvent avoir sur les autres un avantage décidé. Hercule, en courant par le monde, avait exterminé une partie de ces brigands ; les autres, saisis d’épouvante à son approche, s’enfuyaient devant lui, et ils n’osaient plus paraître ; aussi méprisait-on ces scélérats humiliés. Mais, quand Hercule eut eu le malheur de tuer Iphitus, il se retira en Lydie, et il y demeura pendant longtemps esclave d’Omphale : c’était l’expiation qu’il s’était lui-même imposée pour son crime. La Lydie jouit alors d’une paix profonde et d’une pleine sécurité ; mais, dans les contrées de la Grèce, on vit les brigandages renaître et déborder de tous côtés, dès qu’il n’y eut plus per-