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Toutefois les Athéniens ne tardèrent pas à reconnaître l’utilité de sa loi : ils cessèrent donc de murmurer, et ils firent en commun un sacrifice, qu’ils appelèrent le sacrifice de la décharge ; puis ils conférèrent à Solon les fonctions de réformateur politique et de législateur, lui abandonnant, à cet effet, un pouvoir illimité. Il se trouva maître des magistratures, des assemblées, des délibérations et des jugements ; et il réglait le revenu des officiers publics, leur nombre, la durée de leur administration, abrogeant ou confirmant à son gré les institutions et les coutumes. Il commença par abolir toutes les lois de Dracon, à cause de la sévérité et de la disproportion des peines : il n’excepta que celles qui regardaient le meurtre.

Les lois de Dracon ne prononçaient qu’une même punition pour toutes les fautes : la mort. Ceux qui étaient convaincus d’oisiveté subissaient le dernier supplice ; et ceux qui avaient volé des légumes ou des fruits étaient punis avec la même rigueur que les sacrilèges et les homicides. Aussi Démade[1] dans la suite, a-t-il eu raison de dire que Dracon avait écrit ses lois avec du sang, non avec de l’encre. Quand on demandait à Dracon pourquoi il avait ordonné la peine de mort pour toutes les fautes, il répondait : « J’ai cru que les moindres fautes méritaient cette peine, et je n’en ai pas de plus grave pour les grandes. »

En second lieu, Solon, voulant laisser, comme auparavant, toutes les magistratures aux mains des riches, et donner aux pauvres quelque part au gouvernement, dont ils étaient exclus, fit faire le recensement des fortunes. Il forma une première classe des citoyens qui avaient cinq cents médimnes[2] de revenu, tant en grains qu’en liquides, et il les appela Pentacosiomédimnes[3]. La seconde classe comprit ceux qui pouvaient nourrir un

  1. Orateur athénien, contemporain de Démosthène.
  2. Le médimne équivaut à un peu plus d’un demi-hectolitre.
  3. C’est-à-dire ayant cinq cents médimnes.