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Il ne céda rien par faiblesse aux puissants, et il ne chercha pas à flatter, dans ses lois, ceux qui l’avaient élu. Il n’appliqua pas le remède aux parties saines ; et il ne voulut pas trancher dans le vif, de peur qu’après avoir changé et bouleversé tout l’État, il n’eût pas assez de force pour le rétablir et le réformer. Il ne se permit que les changements qu’il crut pouvoir faire adopter par persuasion ou imposer d’autorité, en unissant, comme il le disait lui-même, la force à la justice. On lui demandait, quelque temps après, s’il avait donné aux Athéniens les lois les meilleures : « Oui, dit-il, les meilleures qu’ils pussent recevoir. »

Les Athéniens, comme le remarquent certains modernes, adoucissent l’odieux de certaines choses, en leur donnant des noms honnêtes et innocents : ainsi, ils appellent les prostituées des amies, les impôts des contributions, les soldats de garnison des gardiens, la prison une maison. Ce fut là, dans l’origine, suivant toute apparence, une invention de Solon. Il avait donné le nom de décharge à l’abolition des dettes, la première de ses réformes politiques. Par le décret, toutes les dettes antérieures furent abolies, et les engagements pécuniaires affranchis, pour l’avenir, de la contrainte par corps. Cependant quelques-uns ont écrit, entre autres Androtion[1], que Solon n’abolit pas les dettes ; qu’il en réduisit seulement les intérêts, et que les pauvres, ainsi soulagés, donnèrent eux-mêmes à ce bienfait le nom de décharge. Ce qui compléta la loi, suivant eux, ce fut l’augmentation des mesures, et celle de la valeur des monnaies. La mine ne valait que soixante-treize drachmes[2] : elle fut portée à cent ; de façon que les débiteurs, en donnant une valeur numériquement égale, mais moindre en effet, gagnèrent beaucoup, sans rien faire perdre à leurs créanciers.

  1. Auteur de Mémoires sur l’Attique cités par Pausanias. On ignore le temps où il a vécu.
  2. La drachme ancienne équivalait à 93 de nos centimes.