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prièrent donc de prendre en main les affaires, et de mettre fin au différend. Phanias de Lesbos[1] rapporte que Solon, pour sauver la cité, trompa également les deux factions ; qu’il promit secrètement aux pauvres le partage des terres, et aux riches la confirmation de leurs créances. Toutefois, ajoute-t-il, Solon avait balancé longtemps s’il accepterait cette charge, craignant l’avarice des uns et l’insolence des autres.

Quoi qu’il en soit, Solon fut élu archonte après Philombrotus[2], et, en même temps, arbitre de la concorde et réformateur des lois. Ce choix fut agréable à tous les partis : aux riches, parce que Solon l’était lui-même ; aux pauvres, parce qu’ils le savaient homme de bien. Il courut même alors ce mot de lui, que l’égalité ne produit pas la guerre, mot qui plut et aux riches et aux pauvres : les premiers comptaient que l’égalité aurait pour fondement le mérite et la vertu ; les autres l’attendaient d’un nivellement, et du classement par tête. Les deux partis, sur ce mot, avaient conçu les plus grandes espérances ; et les chefs offraient à Solon la tyrannie, et le sollicitaient de prendre le gouvernement d’une cité où il avait déjà tout le pouvoir. Bon nombre même de ceux qui ne tenaient ni pour l’un ni pour l’autre parti, n’espérant pas de la raison et des lois un changement favorable, et qui se fit sans danger, n’étaient pas éloignés de remettre toute l’autorité entre les mains de l’homme le plus juste et le plus sage. On dit même que Solon reçut de Pytho l’oracle suivant :

Assieds-toi au milieu du vaisseau ; pilote,
Dirige sa course ; plus d’un, dans Athènes, te montrera son dévouement.


Ses amis surtout lui reprochaient de se laisser effrayer

  1. Disciple d’Aristote ; il est cité comme auteur de plusieurs ouvrages d’histoire et de physique.
  2. C’était en l’an 594 avant J.-C.