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tion cylonienne ; mais Athènes vit bientôt se ranimer les anciennes dissensions politiques, et il se forma dans la ville autant de factions qu’il y avait dans l’Attique de différents territoires. Les habitants de la montagne voulaient un gouvernement populaire ; ceux de la plaine préféraient une oligarchie ; et ceux de la côte, partisans d’un État mixte, balançaient les deux autres partis, et empêchaient que ni l’un ni l’autre ne prévalût. D’ailleurs, la division que met entre les pauvres et les riches l’inégalité de fortune était en ce temps-là plus animée que jamais ; et la cité, dans cette situation critique, semblait n’avoir d’autre moyen de pacifier les troubles et d’échapper à sa ruine, que de se donner un tyran. Le peuple tout entier était endetté auprès des riches. Là, le débiteur labourait pour son créancier, et lui rendait le sixième du produit ; c’étaient ceux qu’on appelait hectémores et thètes[1] ; d’autres empruntaient sur le gage de leurs personnes, et, adjugés à leurs créanciers, ils restaient esclaves à Athènes, ou étaient vendus en pays étranger ; plusieurs même étaient forcés de vendre leurs propres enfants, ce qu’aucune loi ne défendait, ou de fuir loin de la ville pour se dérober à la cruauté des usuriers. Le plus grand nombre d’entre eux et les plus déterminés se rassemblent : ils protestent contre de telles indignités, et ils prennent la résolution de se donner pour chef un homme digne de leur confiance ; d’aller, sous sa conduite, délivrer les débiteurs qui n’avaient pu payer au terme convenu ; de faire un nouveau partage des terres, et de changer toute la forme du gouvernement.

Dans cette conjoncture, les Athéniens les plus sensés jetèrent les yeux sur Solon : c’était le seul qui ne fût suspect à personne, parce qu’il n’avait point partagé l’injustice des riches, et parce qu’il ne connaissait point pour son compte propre la nécessité des pauvres. Ils le

  1. C’est-à-dire hommes de la sixième part et mercenaires.