Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/203

Cette page a été validée par deux contributeurs.

«  Il vaut mieux, répondit Solon, se faire des amis chez soi qu’ailleurs. — Hé bien donc, reprit Anacharsis, puisque tu es chez toi, fais de moi ton ami et ton hôte. » Solon, charmé de cette vivacité spirituelle, lui fit le meilleur accueil, et le retint quelque temps chez lui. Il s’occupait déjà des affaires publiques, et il rédigeait ses lois : il informa Anacharsis de son dessein. Celui-ci se moqua de l’entreprise de Solon, et de ce qu’il comptait réprimer, par des lois écrites, l’injustice et la cupidité de ses concitoyens. De telles lois étaient, suivant lui, de vraies toiles d’araignées : les faibles et les petits s’y prennent et s’y arrêtent ; les puissants et les riches les rompent et passent au travers. « Cependant, lui répondit Solon, les hommes gardent les conventions qu’ils ont faites entre eux, lorsqu’il n’y a aucun intérêt, ni d’un côté ni d’un autre, à les violer. Mes lois seront si conformes aux intérêts des citoyens, qu’il n’y aura personne qui ne trouve plus avantageux d’obéir à la justice, que de manquer à ses prescriptions. » Au reste, l’événement justifia la conjecture d’Anacharsis, et l’espoir de Solon fut déçu. Une autre fois, Anacharsis avait assisté à une assemblée publique : « Je m’étonne, dit-il, que, chez les Grecs, ce soient les sages qui conseillent, et les fous qui décident. »

Solon alla à Milet, pour voir Thalès : là, il lui témoigna sa surprise de ce qu’il n’avait jamais voulu se marier et avoir des enfants. Thalès ne répondit rien sur l’heure ; mais, quelques jours après, il fit paraître un étranger, qui disait arriver d’Athènes, et qu’il n’en était parti que depuis dix jours. Solon demanda à cet homme s’il n’y avait rien de nouveau à Athènes. Celui-ci, à qui Thalès avait fait la leçon, répondit qu’il n’y avait rien de nouveau, sinon la mort d’un jeune homme dont toute la ville menait les funérailles. C’était, en effet, à ce qu’on disait, le fils d’un personnage considérable, d’une vertu éprouvée : le père n’était pas alors à