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Qu’un bon estomac, des flancs robustes et des pieds alertes.
Si l’on y joint des enfants, une femme,
Dans leur jeunesse et dans leur fleur, c’est là la parfaite harmonie.

Il dit pourtant, dans un autre endroit :

Oui, je désire des richesses ; mais ce n’est point de l’injustice
Que je les veux tenir : la justice finit toujours par arriver.

Mais rien n’empêche l’homme de bien, le citoyen dévoué à son pays, de garder un juste milieu : il peut ne point s’attacher à la poursuite du superflu, sans pour cela mépriser le nécessaire et ce qui suffit à ses besoins.

Dans ce temps-là, pour parler comme Hésiode[1], il n’y avait pas de travail qui fût honteux ; aucun art ne mettait de différence entre les hommes : le négoce surtout était honoré, qui met en possession des avantages dont jouissent les étrangers, gagne l’amitié des rois, et donne une grande expérience. On a même vu des trafiquants fonder de grandes villes : ainsi Protis bâtit Marseille, après s’être concilié l’amitié des Gaulois qui habitent les bords du Rhône. Thalès se livra, dit-on, au négoce, ainsi qu’Hippocrate le mathématicien[2] ; et Platon vendit de l’huile en Égypte, pour fournir aux frais de son voyage. On croit donc que les prodigalités de Solon, sa vie délicate et sensuelle, la licence de ses poésies, où il parle des voluptés d’une manière si peu digne d’un sage, furent des résultats de cette vie de négoce. C’est une profession qui expose à mille dangers formidables, et qui, en revanche, se dédommage par les plaisirs et la bonne chère. Toutefois, voici un passage où l’on voit qu’il se croyait lui-même plutôt au nombre des pauvres que des riches :

Bien des méchants sont riches, bien des bons sont pauvres ;
Pour moi je n’échangerais pas, avec ceux-là,

  1. Œuvres et Jours, vers 309.
  2. Cet Hippocrate n’est point connu d’ailleurs.