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conservèrent un agréable souvenir de cet amour, de même qu’un grand feu laisse toujours après lui de vives étincelles.

Jamais Solon ne sut se défendre des attraits de la beauté : il était sans force contre l’amour ; il ne savait pas lutter en athlète courageux. Il laisse voir, dans ses poésies, toute sa faiblesse, et même dans celle de ses lois qui défendait aux esclaves de se frotter d’huile sur la peau sèche[1], et d’aimer des jeunes gens. C’était bien mettre un tel attachement au nombre des inclinations honnêtes et louables ; et, l’interdire aux indignes, c’était bien y inviter ceux qu’il en croyait dignes. On dit aussi que Pisistrate fut l’amant de Charmus, et qu’il dédia, dans l’Académie, la statue de l’Amour, près de l’endroit où l’on allume le flambeau sacré qui sert aux courses publiques.

Solon, au rapport d’Hermippus, trouva une fortune que la bienfaisance et la générosité de son père avaient considérablement diminuée. Il ne manquait pas d’amis disposés à lui fournir de l’argent ; mais, né d’une famille plus accoutumée à donner qu’à recevoir, il aurait eu honte d’en accepter ; et, comme il était jeune encore, il s’adonna au négoce. Cependant, suivant quelques-uns, ce fut moins dans la vue de trafiquer et de s’enrichir, que dans le dessein de connaître et de s’instruire, que Solon courut par le monde. En effet, il faisait ouvertement profession d’aimer la science ; et c’est lui qui répétait, tout vieux qu’il fût déjà : « J’apprends bien du nouveau chaque jour, en avançant en âge. » Il n’était pas ébloui par l’éclat des richesses ; car il n’y a, suivant lui, nulle différence entre

… celui qui a beaucoup d’argent,
Et de l’or, et des champs qui se couvrent de moissons,
Des chevaux, des mulets, et l’homme qui ne possède

  1. Cette défense impliquait l’interdiction des exercices du gymnase.