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terribles à Rome, et qui devinrent le germe et le principe de tous les maux affreux qu’on ressentit plus tard.

Quant au partage des terres, ne blâmons ni Lycurgue de l’avoir fait, ni Numa de ne l’avoir point fait. L’un avait pris cette égalité pour base et pour fondement de sa république ; et l’autre, trouvant les terres nouvellement partagées, n’avait aucun motif de faire un nouveau partage, ni de toucher au premier, qui, suivant toute vraisemblance, subsistait encore dans le pays. Tous deux, en admettant la communauté des femmes et des enfants, bannissaient, par cette sage politique, la jalousie du cœur des maris, mais non point tout à fait en suivant la même voie. Le Romain qui avait assez d’enfants pouvait céder sa femme à qui n’avait point d’enfants et désirait d’en avoir ; mais il restait le maître ou de l’abandonner pour toujours, ou de la reprendre. À Lacédémone, le mari gardait sa femme chez lui ; et le mariage ne subsistait pas moins avec l’obligation originelle, alors qu’il prêtait sa femme à un autre, et qu’il communiquait son droit de paternité : souvent même, comme nous l’avons dit, le mari attirait chez lui un homme dont il espérait avoir de beaux et bons enfants, et il l’introduisait auprès de sa femme. Quelle différence y a-t-il donc entre ces deux coutumes ? celle des Lacédémoniens prouverait, chez le mari, une extrême indifférence pour une chose qui trouble la plupart des hommes, qui les irrite contre leurs femmes, et qui remplit leur vie de jalousie et de chagrin. Celle des Romains annonce une sorte de pudeur et de honte : se couvrir du voile du contrat, c’était avouer qu’on ne souffrait pas sans peine cette communauté[1].

Numa mit les jeunes filles sous[2] une garde très-sévère ; et il les assujettit à un genre de vie modeste, et convenable

  1. Le bonhomme Plutarque se laisse entraîner quelquefois un peu loin par son sujet, et par le besoin de trouver des points de comparaison. Ses réflexions, ici, ne lui font pas un grand honneur.
  2. WS. : sons : coquille