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nité déclara, s’il les en faut croire, qu’elle punirait, par quelque grande calamité publique, cette profanation et cette impiété.

Il ne faut donc pas traiter bien sévèrement ceux qui arguent de tant de ressemblances, et qui soutiennent que Pythagore et Numa ont été contemporains. Antias[1] prétend qu’on avait mis, dans le cercueil, douze livres latins sur des matières de religion, et douze autres, écrits en grec, sur la philosophie. Environ quatre cents ans après, sous le consulat de Publius Cornélius et de Marcus Bébius[2], des pluies violentes bouleversèrent le tertre, et le courant mit les cercueils à découvert. On les ouvrit : on trouva l’un entièrement vide, sans aucun reste de corps ; mais les livres sacrés s’étaient conservés dans l’autre. Pétilius, alors préteur, les lut, dit-on, et il jura, devant le sénat, qu’il ne croyait ni pieux ni juste d’en livrer le contenu au public. En conséquence, ils furent brûlés dans le Comice.

C’est le privilège des hommes justes et vertueux que leur gloire grandisse toujours après la mort. L’envie ne leur survit pas longtemps ; quelquefois même elle meurt avant eux. Mais les malheurs des rois qui succédèrent à Numa donnèrent à sa renommée un plus grand lustre encore. Cinq rois régnèrent après lui : le dernier, renversé du haut de sa puissance, vieillit dans un honteux exil. Aucun des quatre autres ne mourut de mort naturelle : trois périrent dans les embûches qu’on leur dressa ; et Tullus Hostilius, qui succéda immédiatement à Numa, se moquant des vertus de son prédécesseur, surtout de sa piété religieuse, qu’il accusait de rendre les hommes lâches et efféminés, tourna vers la guerre l’esprit des Romains. Mais cette folle témérité ne dura pas : il passa à l’autre extrême, par l’effet d’une grave et

  1. Valérius d’Antium, l’historien dont il a déjà été question.
  2. Pline l’Ancien donne de curieux détails à ce sujet, empruntés à un vieil historien, nommé Cassius Hémina.