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Numa, l’un, février, peut s’expliquer mois des purifications. C’est là à peu près le sens du terme latin ; d’ailleurs, c’est dans ce mois qu’on sacrifie aux morts, et que l’on célèbre la fête des Lupercales, laquelle ressemble beaucoup à une purification[1].

Janvier, le premier mois de l’année, tire son nom de Janus. Je crois que Numa ôta de la première place mars, qui portait le nom du dieu de la guerre, parce qu’il avait à cœur de mettre partout, avant les qualités guerrières, les vertus civiles. Car Janus, qu’il ait été un dieu ou un roi, fut, dans la haute antiquité, un ami de la civilisation et de la paix, et il fit quitter aux hommes la vie dure et sauvage. Voilà pourquoi on le représente avec deux visages, comme ayant su accommoder ses manières et sa conduite à un double genre de vie.

Il y a, dans Rome, un temple de Janus, dont les deux portes se nomment portes de la guerre, car il est d’usage de les ouvrir pendant la guerre, et de les fermer en temps de paix. Rien n’est plus difficile et plus rare que de les voir fermées : l’empire, à cause de son étendue, a sans cesse quelque guerre à soutenir, pour se défendre contre les barbares qui l’environnent. Néanmoins ce temple fut fermé après la victoire de César Auguste sur Antoine ; et il l’avait été auparavant sous le consulat de Marcus Attilius et de Titus Manlius[2], peu de temps il est vrai : on le rouvrit presque aussitôt, parce qu’il survint une guerre nouvelle. Mais, sous le règne de Numa, on ne le vit pas ouvert un seul jour : il demeura constamment fermé, durant quarante-trois ans. Tant s’était amortie l’ardeur des combats ! et partout ; car le peuple romain n’était pas le seul qu’eussent adouci et charmé la justice et la bonté du roi : toutes les villes voisines, comme s’il eût soufflé de Rome quelque brise, un vent salutaire, com-

  1. Voyez plus haut la Vie de Romulus.
  2. En l’an 235 avant notre ère.