Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/181

Cette page a été validée par deux contributeurs.

relles et des débats interminables. Quand on veut unir des corps durs, et qui, naturellement, ne se mêleraient point ensemble, on les brise, on les réduit en parcelles, et l’union devient facile. Numa suivit cet exemple. Pour faire disparaître cette grande cause de division, et la disséminer, si je puis dire, en plusieurs petites parties, il distribua tout le peuple en plusieurs corps, qui reportaient leurs passions sur d’autres intérêts. C’étaient des corps de métiers : joueurs de flûte, orfèvres, charpentiers, teinturiers, cordonniers, tanneurs, forgerons, potiers de terre ; et ainsi des autres métiers, dont chacun forma aussi un corps. Chaque métier eut ses confréries, ses jours d’assemblée, et des cérémonies de religion réglées suivant sa dignité. C’est alors que commença à s’effacer cette distinction de Sabins et de Romains, de concitoyens de Tatius et de Romulus, à laquelle on avait si fort tenu des deux côtés ; de sorte que la division opéra le mélange, et, pour ainsi dire, l’amalgame de tous les citoyens ensemble.

On loue aussi l’ordonnance par laquelle Numa adoucit la loi qui autorisait les pères à vendre leurs enfants. Il fit une exception en faveur de ceux qui se seraient mariés du consentement de leur père et sur son invitation : il y avait, selon lui, une vraie cruauté à ce qu’une femme qui avait épousé un homme libre se trouvât, tout à coup, l’épouse d’un esclave.

Il s’occupa, en outre, du calendrier ; et, si sa réforme ne fut pas complète, elle n’était pas pour cela l’œuvre d’un ignorant. Sous le règne de Romulus, on ne suivait, pour les mois, aucune règle ni aucun ordre : les uns étaient à peine de vingt jours, et d’autres en avaient trente-cinq, et quelquefois davantage. On n’avait aucune idée de l’inégalité qu’il y a entre le cours de la lune et celui du soleil : on n’avait qu’un souci, c’était que l’année fut de trois cent soixante jours. Numa reconnut que l’inégalité était de onze jours ; que les révolutions de la