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Toutefois, ayant publié les Vies de Lycurgue le législateur et du roi Numa, j’ai cru avoir quelque raison de remonter jusqu’à Romulus, puisque je venais de faire l’histoire presque d’un contemporain. Or, en considérant, comme dit Eschyle :

Contre un tel guerrier qui pourrait lutter ;
Qui j’opposerais à cet homme ; qui suffirait à l’œuvre[1] ?

il m’a paru que le fondateur de la belle et renommée ville d’Athènes devait être mis en lutte et en parallèle avec le père de l’invincible et glorieuse Rome. J’émonderai, je l’espère, ce que cette vie a de fabuleux ; j’y mettrai le vrai en lumière ; j’y répandrai la couleur de l’histoire ; mais, s’il arrive quelquefois que le récit se refuse obstinément à devenir croyable, et que le caractère de la vraisemblance y fasse défaut, alors j’aurai recours à l’indulgence des lecteurs, et je les prierai d’accueillir sans trop de sévérité ces antiques traditions.

Donc Thésée et Romulus m’ont semblé avoir entre eux plus d’un trait de ressemblance. Tous deux, nés secrètement d’une union clandestine, ils ont passé pour les enfants des dieux,

Vaillants tous les deux, chacun de nous le sait[2],

à la force ils ont joint la sagesse. Des deux cités les plus illustrée du monde, Rome et Athènes, Romulus a bâti l’une, et Thésée a constitué en corps les habitants de l’autre[3]. Tous deux ils ont enlevé des femmes ; et, pas plus l’un que l’autre, ils n’ont été exempts de calamités privées, de dispensions domestiques ; même ils ont fini, l’un comme l’autre, par s’attirer la haine de leurs concitoyens, si toutefois les traditions mêmes qui semblent le

  1. C’est un centon formé de quelques portions de vers, prises çà et là dans les Sept contre Thèbes.
  2. Homère, Iliade, chant VIII, vers 281.
  3. Le premier fondateur d’Athènes avait été Cécrops.