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d’un Salius de Samothrace ou de Mantinée, inventeur de la danse armée, mais plutôt de la danse même des Saliens[1], de ces sauts qu’ils font lorsqu’au mois de mars ils portent en procession ces boucliers sacrés dans les rues de Rome, vêtus d’une tunique de pourpre, de larges baudriers d’airain, un casque d’airain sur la tête, et faisant retentir les boucliers, en les frappant du plat de leurs courtes épées. Leur danse consiste surtout dans le mouvement des pieds : ce sont des pas gracieux et variés, des tours et des retours rapides et cadencés, qu’ils exécutent avec autant d’agilité que de vigueur.

Les boucliers en question sont appelés anciles, à cause de leur forme. Ce n’est ni un rond parfait, ni, comme pour les boucliers ordinaires, un contour régulier : c’est une ligne sinueuse brisée, dont les portions courbes se joignent les unes les autres par l’extrémité, et qui donne au bouclier une coupe échancrée[2]. Peut-être aussi ce nom vient-il du coude[3] autour duquel on les porte. Ce sont les étymologies que donne Juba, lequel veut à toute force dériver le mot ancile de la langue grecque. Le premier ancile pourrait bien avoir reçu son nom de sa chute d’en haut[4], ou de la guérison[5] des malades, ou de la fin de la sécheresse[6] ou de la suspension du fléau[7] ; de même que les Dioscures ont été appelés Anaces par les Athéniens[8]. Voilà ce qu’on peut dire, si l’on tient à ce que le mot vienne de la langue grecque. Mamurius eut, dit-on, pour récompense

  1. Le mot salire, signifie sauter.
  2. En grec, ἀγκύλον σχῆμα.
  3. En grec, ἀγκών.
  4. Ἀνέκαθεν
  5. Ἄκεσις.
  6. Αὐχμῶν λύσις.
  7. Ἀνάσχεσις.
  8. Voyez la Vie de Thésée. Je n’ai pas besoin de faire observer que toutes les étymologies proposées par Plutarque sont encore plus hypothétiques que celles de Juba, dont l’une a du moins pour elle l’affinité du mot latin avec le mot grec ἀγκύλος, crochu.