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qu’il donna à tout ce qu’il faisait un appareil extérieur et une certaine ostentation. Pythagore avait apprivoisé un aigle, qui suspendait son vol à un certain appel, et qui descendait sur sa tête. Aux jeux Olympiques, il traversa l’assemblée, en montrant sa cuisse d’or. Et bien d’autres artifices qu’on lui attribue, bien d’autres choses miraculeuses, qui ont fait dire à Timon le Phliasien[1] :

Pythagore l’enchanteur, avide de gloire,
Captivait les hommes par de graves et pompeux discours.


Le prestige employé par Numa fut cet amour d’une déesse ou d’une nymphe des montagnes, ce commerce secret dont j’ai parlé, et de prétendus entretiens avec les Muses. Numa attribuait aux Muses la plupart de ses révélations, et il prescrivit aux Romains des honneurs particuliers pour une d’entre elles. Il la nommait Tacita, c’est-à-dire silencieuse ou muette ; ce qui semble un souvenir et une consécration du silence prescrit par la diète pythagorique.

Ses ordonnances sur les statues des dieux ont une étroite parenté avec les dogmes de Pythagore. Le philosophe croyait que l’être par excellence n’est ni perceptible, ni susceptible de sensations, mais invisible, exempt de toute corruption, et purement intelligible. Numa, de son côté, défendit aux Romains d’attribuer à Dieu aucune forme d’homme ni de bête ; et il n’y avait jadis parmi eux ni portrait ni statue de divinité. Durant les cent soixante-dix premières années, ils ne placèrent, dans les temples et dans les chapelles qu’ils bâtissaient, aucune image figurée. Ils regardaient comme une impiété de représenter ce qu’il y a de plus parfait au moyen

  1. Poëte qui s’était illustré en composant des satires intitulées Silles, où il attaquait les philosophes dogmatiques. Il était sceptique à la manière de Pyrrhon, dont il avait été le disciple. Il ne faut pas le confondre avec Timon le misanthrope, qui vivait un siècle auparavant. Voyez, dans mon Histoire de la Littérature grecque, l’article concernant Timon le sillographe.